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Attirée par la nature humaine, sa risibilité et par ses manifestations corporelles, mon travail consiste à faire entrer dans la réalité ce qui nous échappe : un réel joueur-joué.

Une nature qui ne cesse de faire des farces dans un perpétuel mouvement où les signes sont poésie : tout est dans tout, tout se joue de tout et -le rire- en dessous. Une chorégraphie, un rythme nécessaire pour déployer du sens et pour défier toute pesanteur.

Rire et sourire de tout,  « c’est un sourire qui s’adresse à celui qui le regarde » André Malraux dans un jeu circulaire qui entrecroise une beauté souvent renversée. 
 
Ma recherche tourne autour de la question du jeu et du désir, et s’approche de la pensée shintoïste qui fait du vide la condition de toute ouverture, renforcée par celles de Platon et de l’éros, de Rabelais et de ses corps toujours ouverts jusqu’aux écrits-Rires de J.M Rabaté et leur plus-value satirique.

Mes recherches universitaires sur la grottesque néronienne m’ont conduit à relier ce morceau d’art qui manifeste la multiplicité dans l’unicité, aux formes plus actuelles d’un corps cosmique, fécondé-fécondant, révélant une régénération.

Mon processus créatif s’entoure de ces espaces, mu par un besoin commun « C’est bien la perte de la chair du monde qui pousse le sujet à se soucier de son corps pour donner chair à son existence. » David Le Breton, Anthropologie du corps et modernité.Un corps non plus déchu, perdu, faisant état d'une tragique condition, mais relié, jouissif. 

Des guerriers du désir surmontés de formes gourmandes aux fleurs qui semblent devenir humaines, aux objets quotidiens chargés d'animisme, tel les Tot ‘aime, dans lesquels des formes de carpes, issues d’anciens moules en chocolat, s’engouffrent dans un visage souriant, mes dernières recherches empruntent des visions renversées. Un éros matérialisé par des bosses, des creux, des couleurs ou des objets venant le symboliser ; empreintes pâtissières au niveau du sacrum des Guerriers, ou hommage aux netsukes des Corps-amoureux. Ainsi les séries de Fleurs et de Plants-legs s’essaient à un jeu entre ce qui nous tient et nous enroule, tandis que les Corps-araignées cherchent des réponses collectives.

Les corps féminins, toujours riants, semblent en prise avec le monde.

Mes recherches sur la verticale : ce qui chute, s’ouvre, s’élève ou marche, tels des leviers du monde, m’ont conduit vers des perspectives d’ouvertures : les cadres se défont, une liberté par déconstruction qui amène vers l’horizontale, ligne, ponctuation, entre liquide et désir.

Un travail sur la couleur repéré dans ma vidéo "l'hydre à trois têtes" (2004) dans lequel trois membres d'une même famille s'échangent des paroles comme autant de jeux de couleurs. Un souffle coloré, vital, que j'ai voulu reprendre dans les lignes et les cadres en 2018. 

Rire, sourire de tout, ouvrir les vannes du corps, fendre cette bouche jusqu’à déformation, créer une sonorité animale, un souffle coloré, une fumée enivrante, l’odeur du corps qui s’ouvre par le haut. S’il s’ouvre vers le haut, le bas se détend et devient fragile. Telle une poésie du monde. 

Un désir à attraper ? 

Lacan le désigne par un manque inscrit dans la parole. Un objet qui a affaire au rien. A l’étoile. 

Éros et rien seraient liés par sens, l’infini que forme la cacahouète par son cocon protecteur.

Peanuts. 

Si le désir est manque, il est comme une farce, sans cesse en train de se remplir et se vider. 

Un rire du dessous retrouvé chez Octavio Paz : « le rire ne fonde rien parce ce qu’il est insondable et que tout tombe en lui sans jamais toucher le fond » qui n'est pas sans rappeler celui de Nietzche ou le rire de la servante dans le Théétète de Platon. Un rire proche de la position romantique allemande de Zeising : « lorsque Dieu suprême vient au rien, il se produit un monde. Et quand son image, l’homme, rencontre le rien, il se produit un rire. L’univers est le rire de Dieu »[1] . Ainsi L’ Ame-no-uzume, qui en montrant son sexe fera rire les esprits et rouvrira le soleil. 

« Rends-moi ma bouche pour parler » lit-on dans Le livre des morts : des enchevêtrements gracieux et humanistes des grottesques aux paroles gelées de Rabelais, relier ces sourires aux liens, au monde en soi et hors de soi, une croissance vers l’éros. 
 

Est-ce que la terre cacherait le rire ? 
 

« L’amour est un caillou riant au soleil » a dit Jacques Lacan, alors malaxons-le ; s’abreuver aux sources, comme une bouteille divine Rabelaisienne.

 

 

[1] Etienne Souriau, Vocabulaire d’esthétique

 

 



 

Mon travail artistique est essentiellement constitué d'argiles et de minéraux. Il explore et s'inscrit dans une réflexion sur le corps et ses métamorphoses, sur la matière et les minéraux, en lien avec le soi, la protection et les objets qui nous entourent, dans un jeu questionnant l'amour, le lien et le retour à la terre.. Dans ce jeu entre chute et éclosion, entre ancrage et instabilité, l’argile me permet tordre les formes et les minéraux de produire de l’inattendu, créant mes propres couleurs.
Un travail que je conçois le plus souvent par série, une idée en entrainant une autre, je joue avec les titres que j’exploite dans le sens de mes sculptures.
Mon travail s’agence dans cette quête entre désir, jeu, cœur et humour.  
La vidéo me sert de point d'appui dans ma recherche, et actuellement en création, je travaille sur une animation en regard de l'Histoire du soldat de Stravinsky, un soldat qui cédant son précieux au malin, devient invisible pour ses aimés. 





 

Parutions catalogue, presse

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Par Paul Ardenne, historien d'art
 

Culs par-dessus têtes
 

Sortez les monstres du Jardin des délices de Jérôme Bosch : corps tronqués, humains animalisés et animaux humanisés, figures de carnaval et grotesques... et vous obtenez Camille Sabatier et son art plutôt peu attendu. Face à vous, tout un monde de sculptures pas exactement explicites ou séductrices comme il conviendrait.

Rien ici de lisse, d'élégant, de gentil mais un curieux désordre des corps et des formes, plutôt. Que nous expose Camille Sabatier ? Des tetes humaines à l'envers, parfois superposées. Des personnages de très petite taille aptes à se recroqueviller dans votre main, et pouvant évoquer les anciennes "Vénus" paléolithiques. Des batraciens au ventre offert comme celui des écorchés de Vésale, mais vide, inorganique. Quoi encore, dans ce bestiaire d'êtres et de choses de glaise et de céramique que l'on croirait exhumé des scories d'un feu de bois abandonné ? Des bâtons, des colliers mystérieux accumulant autant d'amulettes que possible... Pas question de réalisme, de proportions strictes, de récit clair.

Camille Sabatier façonne avec la terre crue ou cuite un imaginaire plastique sans pieds ni poings liés. On y pérégrine entre le cauchemar de nos nuits d'angoisse existentielle, Francis Bacon et ses figures hurlantes, Dado et ses idoles boursouflées, le laboratoire où l'on gonfle jusqu'à les faire éclater les grenouilles comme s'il s'agissait de bœufs. Un univers d'excroissances, en vérité, comme ces verrues qui parfois blasonnent notre épiderme, à la fois horribles et fascinantes, intrigantes de toute façon. L'œuvre de Camille Sabatier, qui garde pour elle ses secrets de fabrique et son ressort essentiel, est le signe d'un incessant retour à un répertoire d'obsessions - les errances de la psyché, l'incertitude d'être, l'aspiration à des univers autres, non normés... L'art est désir et comme tel, ouverture et réitération. Il ne naît pas forcément du jour et de la nuit mais il en accompagne la traversée.

Paul Ardenne

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Par Genevieve Fabre Petroff, 2020


 
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Par Marie-Christine Harant, 2000


 
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